• Déclaration du Réseau des ONG actives pour le contrôle du tabac en Côte d’Ivoire (ROCTA-CI) par rapport à l’atelier de Phillips Morris International organisé à Grand-Bassam.

    L'expansion rapide de l'épidémie du tabagisme pose de plus en plus de graves problèmes socioéconomiques et sanitaires sérieux en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays. Dès lors, le Gouvernement ivoirien a pris la juste mesure de ce phénomène en posant des actions notables, notamment la ratification de la Convention-cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) le 28 janvier 2010 et la prise du décret d’interdiction de fumer dans les lieux publics et les transports en commun le 10 octobre 2012.

    Dans la vision de la CCLAT, notre pays s’est engagé dans le processus de prise de loi en adoptant un projet de loi relatif à la lutte antitabac en Côte d’Ivoire en Conseil des Ministres en décembre 2014. Ce projet n’a pas répondu à l’espérance placée en lui. Il n’a jusque là pas été transmis à l’Assemblée Nationale par le Gouvernement ivoirien. Cette contreperformance s’explique par l’ingérence des firmes de tabac, qui notamment font pression sur le législateur pour dénaturer les textes de loi initiaux, les priver de toute substance et les remplacer par des textes faisant la part belle aux solutions favorisant leurs intérêts. C’est le cas par exemple du prétendu système d’authentification et de traçabilité, Codentify, développé par Philip Morris International, qui a fait pression sur le Ministère de Commerce ivoirien pour qu’il l’adopte, en dépit du fait que ce système n’est pas agréé par le Protocole international pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac.

    C’est dans ce contexte que nous apprenons qu’un atelier a été organisé par AllAfrica dirigé par Amadou Makhta Ba et financé par Phillips Morris International, les 8, 9 et 10 juillet 2016 à Grand-Bassam, sur le thème « Comprendre l’environnement réglementaire du tabac en Afrique : enjeux, perspectives et quels rôles pour les médias ». Présentée comme une initiative apparemment anodine visant à former les journalistes, cette activité n’est en fait qu’une nouvelle et grave tentative de manipulation des médias de notre région, et, à travers eux, de l’opinion publique et des décideurs politiques.

    Cet atelier a permis en premier lieu au directeur des affaires institutionnelles de Philip Morris International de répandre la propagande et la désinformation de sa société, qu’il convient de démentir fermement :

    -           Non, l’industrie du tabac ne crée pas d’emplois : il est établi que l’effet global de cette activité sur le marché du travail est une destruction nette de postes du travail (rapport de la Banque Mondiale).

    -           Non, les nouveaux produits dits « à risque réduits » ne sont pas la solution : ces produits ne sont pas inoffensifs et leur but n’est autre que de maintenir la population dans un esclavage consumériste par l’addiction à la nicotine.

    -           Non le tabac n’apporte aucun enrichissement au gouvernement ni au pays : les coûts sanitaires et sociaux qu’il engendre dépassent de loin les recettes fiscales qu’il produit. Le tabac n’a qu’un seul but : entraîner la population dans l’addiction à une substance toxique (la nicotine, qui est un puissant insecticide) pour créer un comportement de consommation compulsif, permettant aux multinationales du tabac de ponctionner une partie des revenus du pays et d’engendrer des profits qui vont dans les poches de ses riches actionnaires occidentaux.

    -           Non, les multinationales du tabac et tous ceux qui travaillent pour ces entreprises ne sont pas des interlocuteurs valables : l’industrie du tabac étant la cause de l’épidémie de tabagisme, il ne fait pas plus de sens de discuter avec eux que de discuter avec des moustiques pour lutter contre le paludisme.

    -           Non, les organisations de la lutte antitabac n’étaient pas présentes à cet atelier, contrairement à ce que prétendent ses organisateurs : la seule présence était l’auteur d’un blog anglais dont la spécialité consiste à entretenir la controverse sur la cigarette électronique et dont la crédibilité en tant qu’organisation de la lutte antitabac est nulle.

    Aussi nous, organisations de la société civile engagées dans la lutte contre le tabac en Côte d’Ivoire, avec nos partenaires d’Afrique et du monde, signataires du présent communiqué, exprimons notre condamnation sans appel des connivences et compromissions de certaines autorités de la République, de certaines organisations non-gouvernementales et de certains organes de presse avec les firmes de tabac, dont cet atelier est un exemple manifeste. Nous invitons par ailleurs toutes les personnes et organisations de bonne foi qui seraient tombées malgré elles dans le piège que leur a tendu Philip Morris International à prendre conscience de cette tentative de manipulation et de se joindre à nous pour la condamner avec fermeté.

    Il est maintenant reconnu universellement (et notamment par l’Organisation mondiale de la santé et la Convention-cadre pour la lutte antitabac) que les firmes de tabac sont les vecteurs du tabagisme partout dans le monde, et dans nos pays en particulier. Il est inadmissible que ces ennemis de la santé des populations puissent initier des séances de travail avec des acteurs public et des représentants des médias, en vue d’intoxiquer l’opinion publique, de manipuler les décideurs politiques, de répandre la désinformation, dans le but ultime d’empêcher la mise en œuvre de la Convention-cadre de lutte antitabac et ses dispositions pertinentes, et de maintenir la population dans la dépendance à son produit mortel.

    Par conséquent, nous, organisations de la société civile engagées dans la lutte contre le tabac en Côte d’Ivoire, avec nos partenaires d’Afrique et du monde, dans notre rôle de contrôle citoyen,

    1.     alertons les organes de presse pour les mettre en garde contre les tentatives des multinationales du tabac de séduire les journalistes en se présentant comme des interlocuteurs responsables et crédibles, alors qu’elles sont en fait des entreprises délinquantes qui ont été condamnées à de nombreuses reprises, notamment pour des activités s’apparentant au crime organisé par une cour fédéral américaine, que le mensonge est une partie essentielle de leur culture d’entreprise, et que leur seul but est de faire le maximum de profit en vendant un produit qui tue prématurément un consommateur régulier sur deux ;

    2.     dénonçons et condamnons avec véhémence les manœuvres de manipulations, de sabotage et d’ingérence des firmes de tabac visant à désinformer les populations, à façonner l’opinion publique, et finalement à influencer les décideurs politiques, pour les induire à prendre des décisions favorables à leurs intérêts commerciaux, au détriment de la santé de la population et du développement du pays ;

    3.     mettons en garde les firmes de tabac, qui conscientes de l’illégalité de leurs actions, persistent délibérément dans la désinformation et la manipulation de l’opinion publique. Nous sommes résolus à contrer leurs actions en tout lieu et en tout temps, avec la plus grande fermeté, et par tous les moyens légaux possibles, y compris sur le plan judiciaire ;

    4.     lançons un appel ultime aux autorités ivoiriennes, notamment aux services du Premier Ministre, de tout mettre en œuvre pour transmettre sans délai à l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire le projet de loi relatif à la lutte antitabac adopté en Conseil des Ministres le 17 Décembre 2014 ;

    5.     sommes résolus à entreprendre toute action nécessaire pour informer et soutenir les Députés ivoiriens en vue de l’adoption d’une loi antitabac forte et conforme à la CCLAT.

     

     

                Par le Président de l'ONG CLUCOD et du ROCTA-CI 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :